Décroissance et démocratie culturelle

Quatre scénarios : Plan stratégique 2020-2023 du Cheval Bleu

Cette fiction a été écrite à plusieurs. Elle anticipe un monde possible dans une dizaine d’années. Préalablement, une quarantaine de personnes impliquées dans des institutions qui se soucient des souffrances psychiques ont nommé des éléments politiques, économiques, sociaux, technologiques, environnementaux et législatifs qu’elles perçoivent comme des défis à relever pour l’avenir. Un groupe de travail a analysé ces éléments de manière à les regrouper en deux variables indépendantes. Deux continuums en tension ont ainsi été nommés : santé mentale versus démocratie culturelle, croissance versus décroissance. Quatre fictions ont été écrites. Celle-ci raconte un monde futur où la décroissance et la démocratie culturelle sont puissamment investies. On trouvera des références bibliographiques sur des problèmes de ce monde en fin de texte. Cette fiction a ensuite été utilisée comme une des variantes paysagères pour déployer l’un ou l’autre défi stratégique d’une organisation, le Cheval Bleu, qui se soucie et agit dans les situations où la souffrance psychique vient troubler.

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Paysage 2 (décroissance et démocratie culturelle) – Sandrino Pontevecchio

Auteurs : Olivier Croufer, Christian Legrève, Cécile Mormont, Jean-Michel Stassen, Isabelle Toussaint.

Lecture par l’Ekschize Compagnie : Jean-François Pressia, Anthony Bellomo, Lucien Henri, Christian Legrève, Angélique Mujari, Anne Job.

Enregistrement, montage, mixage : Michov Gillet. Merci à Camera etc.

Musique : atelier de création sonore de Revers.

Temps de lecture : 15 minutes

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Depuis dix-sept heures déjà, l’animation règne dans la salle. Les conversations bourdonnent. Un peu partout, de petits groupes sont rassemblés. Certains vont d’un groupe à l’autre, dans un brassage des idées et des personnes qui est devenu naturel. Les membres permanents du Conseil arrivent à l’avance pour s’installer, mais il y a aussi des citoyens intéressés, et des gens qui viennent pour le simple plaisir de bavarder. Il faut dire que depuis l’instauration de la réduction annuelle du temps de travail, tout le monde a du temps à consacrer à ce genre de rencontres. Les gens ne sont plus abrutis par le travail, et le simple amusement n’occupe plus qu’une partie de leurs loisirs.

À 17h50, Sandrino Pontevecchio entre dans la salle. Il fait le tour des groupes pour saluer tout le monde, puis s’installe à la pointe de la table en ellipse, au siège devenu par usage celui de la présidence. Il est le premier à occuper ce poste, et ça depuis que le conseil liégeois de la démocratie culturelle a remplacé ce qui s’appelait avant le conseil communal, cinq ans auparavant. Son mandat a été renouvelé l’année passée. Au départ, il y avait eu un peu de méfiance pour ce changement de nom. Les militants, sur la défensive, soupçonnaient un gadget populiste. Et ce n’est pas sûr que tous les politiques locaux aient d’emblée saisi la portée de l’assemblée du 28 juin[1]. Mais, peu à peu, la dynamique s’est lancée, puis imposée. La collectivité s’est, en quelque sorte déployée. Aujourd’hui, tout le monde vit avec l’évidence d’une préséance de la culture pour améliorer la société. Et la vision de la culture, vécue au quotidien dans tous les collectifs, est dégagée du carcan des arts et de la domination culturelle. La diversité est le moteur des institutions.

À dix-huit heures, vingt-deux chaises sont occupées. Un seul absent, note Sandrino. Les visiteurs s’installent tout autour du groupe du conseil, sous la coupole de la belle salle circulaire qui a été, par le passé, le chœur de l’église. Les médias lancent la diffusion de la séance en direct. Pour beaucoup de Liégeois, la séance du Conseil est l’événement culturel du mardi soir. Il fait plus, en audiences cumulées, qu’un concert des Ardentes qui, depuis plusieurs décennies, est le spectacle culturel le plus populaire de la ville. Ce succès tient notamment à l’ambiance du Conseil et aux qualités de Sandrino. Il commence chaque mardi par une courte évocation, un conte, un récit, qui rappelle le sens de l’assemblée. Il y injecte toujours un détail, anodin en apparence, mais qui  bouscule les représentations, qui relance l’imagination, et qu’il analyse ensuite. « Nous sommes ici afin que chaque habitant de notre ville dispose des moyens pour développer son identité culturelle. Une identité, ce n’est jamais une masse homogène. C’est un kaléidoscope de fragments plus ou moins bien agencés pour composer un ensemble. Quand cet ensemble offre du sens à une personne, à un groupe, à une communauté, nous avons une identité culturelle qui tient la route. En tout cas qui tient la route pour un bout de chemin. Car quand vous tournez un peu la roulette du kaléidoscope, l’ensemble se recompose. Et vous savez que nous, Liégeoises et Liégeois, nous ne sommes pas immobiles. La roulette du kaléidoscope tourne sans arrêt. Mais soyons prudents. Ce n’est pas un jeu. Le temps humain est lenteur. Les hommes et les femmes ne savent pas recomposer en vitesse leur identité culturelle. Heureusement. Soyons donc vigilants à réaliser les mouvements en douceur. L’identité culturelle est ce qui offre à l’homme sa dignité. Chaque décision que nous prendrons dans ce conseil doit être une contribution à cette dignité. Nous aurons à penser à la dignité de chaque personne en tant qu’elle contribue à la dignité d’une humanité commune. Il y a trois sujets sur lesquels nous devons décider aujourd’hui : la demande de deux associations qui souhaitent devenir membres permanents, le budget 2031 et Sensibilis 2032. »

La procédure d’intégration de nouvelles associations est fixée d’avance. Chaque association demandeuse a un droit de parole et d’image de dix minutes. Les membres du Conseil écoutent d’abord une association de promotion de la littérature swahilie, puis une association de défense des droits du peuple ouïgour.

À l’autre bout de la ville, Christiane s’active. Elle est un peu en retard, aujourd’hui, et elle doit suivre la réunion du conseil en commençant la préparation du repas. Elle a allumé son écran-table sur lequel elle épluche ses pommes de terre. Elle est bibliothécaire et se réjouit de l’audition de ses copains swahiliphiles. Elle écoute avec intérêt les deux présentations, même si, en réalité, elle ne découvre rien de nouveau.

Dans les points du budget 2031, quelques éléments font l’objet d’une discussion un peu plus longue. Une enveloppe de ce budget est alimentée par le forfait hospitalier psychiatrique. Une partie de ce forfait est transférée par tranches au Conseil liégeois de la démocratie culturelle qui doit décider de son affectation. Depuis la réforme dite Aldo Grioti de 2025, les Services de Santé Mentale (S.S.M.) et les Dispositifs d’Activités Polyphoniques (D.A.P.) reçoivent un financement structurel significatif. À côté, d’autres dispositifs vivent de ressources plus aléatoires car elles font l’objet d’une décision locale. Cela est notamment le cas de cette part du forfait qui arrive au Conseil. L’usage de ce financement avait été clairement délimité, du moins dans son principe général car tout le monde n’en donnait pas la même interprétation. Sandrino Pontevecchio reprend la parole. « Je vous rappelle le principe d’affectation de ce fonds. Il doit concerner l’existence-souffrance des personnes dans notre société concrète : les quartiers, les espaces partagés, les communautés, les collectifs de toutes sortes. Il doit ouvrir la possibilité réelle, effective, d’accéder à des ressources culturelles, des savoirs, qui permettent de choisir et d’exprimer son identité. Pensez à l’art, mais aussi aux sciences, aux langues, aux éthiques, religieuses ou non, à l’éducation, à l’information, aux sports, aux modes de vie au quotidien. » Je passe la parole à notre secrétaire pour la présentation des propositions qui nous ont été rentrées.

C’est à ce moment que la réunion bien ordonnée est perturbée par l’arrivée d’un groupe bigarré. L’attention de Christiane est attirée, et elle laisse de côté ses légumes.

Il s’agit d’un groupe qui se présente comme autoprescripteurs de médicaments de l’âme ! Ils souhaitent prendre la parole, même s’ils se disent conscients de perturber l’ordre du jour. Ils expriment leur respect pour le conseil, mais veulent aussi témoigner d’une urgence absolue et éviter le ronronnement des institutions. Le temps est comme suspendu. Sandrino affiche un petit sourire intriguant, et les engage à s’exprimer.

Les membres du groupe prennent la parole à tour de rôle. « Les médicaments de l’âme nous permettent de vivre différemment. Ils nous donnent un soupçon d’énergie quand elle vient à manquer complètement. Ils nous calment quand nous sommes euphoriques ou trop stressés. Ils nous permettent d’atténuer ce qui peut être une sorte de délire. En fait, les médicaments de l’âme modifient nos manières d’être, ce que nous sommes intimement, comment nous percevons le monde, comment nous interagissons avec les autres, avec la communauté. L’usage des médicaments de l’âme est l’occasion de s’interroger sur notre identité et tenter de recomposer cette identité que nous vivons comme problématique. »

Christiane, toujours curieuse de découvrir des points de vue surprenants, se dit qu’elle n’avait jamais pensé à ce sujet de telle façon. Elle jette ses pommes de terre épluchées dans sa marmite. Pourquoi pas, se dit Christiane d’emblée. On a bien légalisé la consommation de cannabis. On a les salles d’injection d’héroïne au centre-ville depuis plus de dix ans. Cela suit le cours de l’histoire de permettre le libre usage d’autres produits psychotropes. Mais elle est curieuse d’apprendre les raisons de participer au Conseil de la démocratie culturelle. Est-ce une affaire d’identité culturelle ?

Une jeune fille prend alors la parole. Elle raconte comment elle est « entrée en psychiatrie ». Son récit est émouvant, mais c’est surtout l’argumentation sur l’appropriation des savoirs qui retient l’attention. « Finalement, la rencontre avec le psychiatre qui me prescrivait mon traitement était très réduite. Je recevais un traitement que je ne comprenais pas très bien. Je pense que le psychiatre expliquait correctement les médicaments, mais j’étais souvent trop mal pour comprendre. Ce n’est que plus tard, dans le groupe d’autoprescription, que je suis entrée dans une tout autre démarche. Nous réfléchissons ensemble à nos relations aux autres, à la culture dans laquelle nous vivons, et nous avons aussi développé tout un savoir sur les médicaments, leurs effets, voulus ou secondaires, leur durée de vie, etc. Ce savoir nous est fort utile, non seulement pour l’usage personnel des médicaments, mais parce que ce savoir nous permet de partager nos expériences entre nous. Un savoir qui nous aide à nous comprendre dans notre culture, n’est-ce pas précisément un des plus hauts défis d’une démocratie culturelle ? ».

C’est à ce moment que l’écran-table de Christiane tombe en panne. Elle râle de ne pouvoir entendre les projets rentrés. La connexion se rétablit pour le dernier point à l’ordre du jour.

« Il nous reste à rendre public le thème de SENSIBILIS 2032. Je ne vous présente plus cet événement annuel qui propose pendant un an de rendre sensible et intelligible une identité culturelle en devenir. Je me tourne vers notre secrétaire qui va nous communiquer le résultat de la consultation populaire. » Cette grande femme au langage aisé s’apprête à ouvrir l’enveloppe. Tout en se concentrant sur son geste, elle laisse quelque peu traîner le suspens. « Eh oui, nous voici aujourd’hui réunis pour vous parler du thème de l’année de Sensibilis 2032, c’est d’ailleurs avec grand plaisir que nous allons tous ensemble pendant une année complète échanger sur le thème de … Elle suspend le conseil dans un instant de silence, puis lit le carton sortit de l’enveloppe : « Que se passe-t-il quand les Drôles se mettent à créer ? ».

Certains dans la salle sont un peu mal à l’aise avec ce thème. Une petite dame, un rien timide ose cependant poser une question à l’assemblée : c’est quoi les Drôles ? L’aisance de notre secrétaire soudain disparait, sa voix se met légèrement à trembler, et à peine audible, elle répond à la question en hésitant à définir plus précisément ce qu’est un Drôle. Elle en donne une définition très vague, ce sont des gens différents, ils sont parfois dans leur monde mais ils ont beaucoup d’imagination, ce sont en quelque sorte des marginaux mais ils sont suivis par des psychiatres. Cette définition laisse un blanc dans l’assemblée. La secrétaire se raccroche à un sourire de façade alors qu’intérieurement, elle sent son corps chavirer. Qu’est-ce qui l’a prise de soudainement sortir de son rôle pour donner cette définition. Comme si elle se devait de soutenir la décision populaire, d’endosser une cause dont elle avait peur qu’elle soit trop vite critiquée. L’assemblée rompt heureusement le malaise en lançant le verre de l’amitié. Les conversations tournent maintenant autour de cet étrange choix. Des questions fusent de partout. Les « Drôles, les fous, les marginaux » sont-ils des artistes, ou plutôt tous les artistes ne sont-ils pas un peu fous ou mal dans leur peau ? Ont-ils des lieux pour créer, des ateliers, des galeries pour exposer ? Mais est-ce vraiment des œuvres qu’ils produisent ? Est-ce que l’on peut les considérer comme professionnels ?

Un petit groupe de quelques passionnés se forme autour de Sandrino et de la secrétaire. On y retrouve Patrick Callon qui amène, comme à son habitude, une critique du rapport que le conseil devrait avoir à la population. « Le propos de l’éducation populaire est d’établir un rapport avec une population concrète, identifiée, non-spécialiste, non-compétente, mais invitée à s’autoriser d’un champ disciplinaire sans en avoir le titre. » Puis séduisant la secrétaire, il ajoute : « Cela est très juste quand vous les définissez comme des marginaux suivis par des psychiatres. Soudain, ils font irruption là où on ne les attendait pas. C’est une forme de transgression. Un blasphème qui peut surprendre et effrayer celle dont les paroles deviennent soudainement complices de cet audacieux élan. » La secrétaire se met à rougir, mi-mal à l’aise, mi-flattée.

Christiane éteint son écran-table. Elle se réjouit. « Voilà enfin un thème pour mes voisins de l’ envers du coup droit ». Elle n’a jamais compris pourquoi certaines personnes utilisent ce mot « les Drôles » pour appeler les bénéficiaires de cette petite asbl. Oui, elle connait les origines culturelles de cette appellation mais elle imagine que ça ne doit pas être vécu de manière valorisante par tous. Quand ce service s’est installé à côté de la bibliothèque provinciale, ça n’a pas été une mince affaire. Depuis, les choses ont bien évolué. Elle se dit que cela a peut-être été bien bénéfique à la population.

Sandrino continue à prêter attention aux discussions du groupe dans lequel il s’est laissé absorber. Il écoute, mais son esprit voyage en parallèle. Il se demande qui avait formulé le thème sous forme de question. « C’est intéressant » pense-t-il. Mais il est trop envahi par son agenda ultérieur pour suivre le fil d’un questionnement. La pile de dossiers encore à traiter, les rendez-vous à organiser. « Qu’est-ce qui est vraiment acquis depuis cette directive européenne qui a forcé les états membres à une réduction du temps de travail ? On aurait dû être moins abruti, être plus libre d’un temps qu’on pourrait s’accorder. » Sandrino entend les voix passer. Elle se détachent de moins en moins du bruit de fond. « Peut-être était-ce une erreur de miser essentiellement sur le temps libéré hors travail. » Les mots-sons s’entrechoquent et renvoient les uns aux autres aux quatre coins de la pièce. «  Le travail comme dans les sciences physiques qui est l’action qui permet de créer de l’énergie. Je sens comme un oubli. De quoi ? Du sens culturel du travail ? Je ne sais pas. Comme si, j’étais soudain sans force. Et pour d’autres, ça doit être bien pire. »

 


[1] Il faut rappeler la référence au 28 juin 2019 – un autre âge, date symbolique de la création de la plateforme liégeoise de la liberté, qu’on peut identifier comme le point de départ de la révolution des consciences.

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Pour aller plus loin

Cet ensemble de documents tourne autour de la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels. Celle-ci promeut la protection de la diversité et des droits culturels au sein du système des droits de l’homme. Elle est le fruit d’un travail de 20 ans d’un groupe international d’experts coordonné par Patrice Meyer-Bisch.

L’article 2 de la Déclaration de Fribourg présente les définitions suivantes :

« a. le terme «culture» recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement ;

  1. l’expression «identité culturelle» est comprise comme l’ensemble des références culturelles par lequel une personne, seule ou en commun, se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité ;
  2. par «communauté culturelle», on entend un groupe de personnes qui partagent des références constitutives d’une identité culturelle commune, qu’elles entendent préserver et développer. »

La Déclaration décline alors huit droits culturels :

    • Article 3a : Choisir et respecter son identité culturelle
    • Article 3b : Connaître et voir respecter sa propre culture, ainsi que d’autres cultures
    • Article 3c : Accéder aux patrimoines culturels
    • Article 4 : Se référer, ou non, à une ou plusieurs communautés culturelles
    • Article 5 : Participer à la vie culturelle
    • Article 6 : S’éduquer et se former, éduquer et former dans le respect des identités culturelles
    • Article 7 : Participer à une information adéquate (s’informer et informer)
    • Article 8 : Participer au développement de coopérations culturelles

+ les articles suivants qui précisent :

    • Article 9 : Principes de gouvernance démocratique
    • Article 10 : Insertion dans l’économie
    • Article 11 : Responsabilité des acteurs publics

 

Extrait de la brochure Paideia :

« 1. Qu’est-ce qu’un droit culturel ?


Les droits culturels sont les droits d’une personne, seule ou en commun, de choisir et d’exprimer son identité, ce qui suppose la possibilité d’accéder aux ressources culturelles (les savoirs) qui sont nécessaires à son processus d’identification tout au long de sa vie. Ainsi, ils regroupent à la fois les droits qui protègent l’identité (non-discrimination ou respect de l’identité, liberté de pensée, de conscience, de religion…), les moyens d’expression de cette identité (liberté d’expression, droit de participation à la vie culturelle, droit d’utiliser la langue…) et l’accès aux diverses ressources nécessaires pour la construction de l’identité (droit à l’éducation, à l’information, liberté d’association, accès aux patrimoines).

  1. Droit culturel et droit à la culture : quelle différence ?

Le « droit à la culture » est un peu vague et peut signifier simplement que toute personne a droit à une vie suffisamment riche en culture. Les droits culturels indiquent des droits, des libertés mais aussi des responsabilités et obligations plus précises. Ils concernent le respect de l’identité et des libres choix de se référer à des ressources culturelles qui lui permettent de vivre librement dans la diversité de son milieu actuel, d’en comprendre la lisibilité tout en étant ouvert à d’autres références et d’autres patrimoines. La Déclaration de Fribourg indique huit droits culturels spécifiques présents dans les instruments juridiques internationaux.(…)

  1. Pourquoi passer par le droit ?

Les droits culturels relèvent de l’intime de chacun, c’est si facile de passer à côté ! Les droits culturels comme tous les autres droits de l’homme sont d’abord des normes politiques qui nécessitent une protection juridique pour ne pas rester lettres mortes. Ce sont des normes politiques qui permettent peu à peu de définir des stratégies et des obligations juridiquement contraignantes dans toutes les politiques publiques. (…)

  1. Artistique et culturel » : la même chose ?


Les arts paraissent parfois comme le cœur du culturel et de la création. Mais le domaine artistique est un sous-système de l’ensemble culturel, au même titre que les sciences, les langues, les éthiques, religieuses ou non, l’éducation, l’information, les sports, les modes de vie au quotidien. Ces domaines se répondent et ont en commun la création et la circulation du sens à travers les diverses activités. Cela ne signifie pas cependant que tout est dans tout : chaque domaine a sa spécificité et sa fécondité pour les autres et pour la société.

  1. Quel lien entre les droits culturels et la diversité ?


Les droits culturels sont une réponse à une menace d’uniformisation culturelle et permettent de refuser d’être « googlisé » culturellement. Comment ? Ils permettent une protection mutuelle entre les droits individuels de libre choix et la diversité culturelle. Par exemple, le droit de pratiquer sa langue est universel et il suppose le respect des liens que chaque personne entretient avec sa, ou ses langues particulières. La réalisation du droit individuel implique des politiques raisonnables de protection de la diversité culturelle correspondante. Universalité et diversité culturelle ne s’opposent pas mais forment un couple inséparable.
L’universalité n’est pas le plus petit dénominateur commun ; elle est le défi commun, celui qui consiste à cultiver la condition humaine par un travail permanent sur nos contradictions communes. Elle ne s’oppose pas à la diversité, elle en est l’intelligence et le recueil. »

 

L’article de Patrice Meyer-Bisch (2008) présente le contexte et les arguments de la valorisation des droits culturels. Notamment la place des droits culturels parmi l’ensemble des droits humains et leur articulation à l’universalité. Quelques extraits :

« C’est pourquoi les droits culturels, « conducteurs de sens », renforcent et relient les autres droits à leur fondement commun : la dignité sous ses mille et une formes ».

« Les droits culturels permettent de penser et de valoriser la diversité par l’universalité, et réciproquement. L’universalité n’est pas le plus petit dénominateur commun ; elle est le défi commun, celui qui consiste à cultiver la condition humaine par un travail permanent sur nos contradictions communes. Elle ne s’oppose pas à la diversité, elle en est l’intelligence et le recueil. »

Il insiste sur la double nécessité des protéger les personnes et les milieux (patrimoines, systèmes sociaux …) sans lesquels les droits individuels n’ont pas de sens. Ces milieux sont toujours composites et les personnes (elles-mêmes composites) apprennent y chercher du sens.

« Seuls existent des milieux culturels composites (comme le sont les milieux écologiques), plus ou moins riches d’œuvres culturelles auxquelles les personnes peuvent faire référence. Par « œuvres culturelles » ou « biens culturels », on peut entendre des savoirs (être, faire, transmettre), des choses et des institutions. C’est la personne qui est au centre et qui choisit et compose son milieu culturel avec les références auxquelles elle peut avoir accès. »

 

Le Guide pour fonder toute gouvernance démocratique sur l’interdépendance des droits humains (2016) explique la base normative assurée par l’approche basée sur les droits de l’homme (ABDH) en développement et d’autre part sa mise en œuvre à travers une gouvernance démocratique incluant toutes les personnes.

Dans l’ABDH, chaque personne, chaque société, chaque culture démocratique peut être considérée en développement. Les droits de l’homme garantissent des capacités qui forment les seuils de toutes les libertés. La méthode proposée est d’opérer une progression par niveau d’exigence.

  • Le niveau 1 présente les caractéristiques qui devraient être communes à toutes les ABDH : une approche non pas fondée sur les besoins (= des manques à combler par des transferts de matériel, de conseil, de financement => non seulement on ne développe pas les droits de l’homme mais on risque de les retarder), mais une approche qui s’appuie sur les capacités à valoriser et développer. D’accord pour les transferts dans un cadre limité (humanitaire), d’accord pour une analyse des besoins si elle conduit à faire valoir les capacités pour les combler. Par ailleurs, les droits de l’homme ne doivent pas être réduits à leur dimension juridique ; ils sont avant tout des principes politiques transversaux qui doivent être mis en œuvre de façon juridique, mais aussi de façon culturelle, économique et sociale dans l’esprit d’une responsabilité commune.
  • Le niveau 2 est centré sur les personnes et sur les tissus sociaux : les personnes, leurs familles et communautés sont au centre à toutes les étapes du processus. L’objectif est d’augmenter les capacités de liberté des personnes (= une liberté de mener une vie digne).
  • Le niveau 3 se concentre sur l’interdépendance entre les droits de l’homme, et s’appuie pour cela sur les capabilités. Chaque droit de l’homme est à la fois une fin et un moyen du développement personnel et social. L’interdépendance des droits est la réelle puissance de la dynamique de développement.
  • Le niveau 4 développe les spécificités liées à la clarification du rôle des droits culturels et des droits économiques. Les droits culturels sont essentiels à la compréhension des liens sociaux, à la formation des identités et donc la construction d’un bien commun à tous les hommes.

C’est l’exercice des l’ABDH qui constitue une culture démocratique. (Cette partie donne un cadre pour une approche inclusive qui articule tous les droits de l’homme pour chacun).

 

Cette revue de l’Observatoire des politiques culturelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles consacre un dossier à la démocratie culturelle. L’angle d’analyse est historique et structuré autour de la distinction entre « démocratisation de la culture » et « démocratie culturelle ».

La démocratisation de la culture est orientée vers la multiplication des lieux culturels et leur accessibilité à tous les publics (1921 : bibliothèques publiques ; après 1945 : Tournées Arts et vie, Théâtre National, Discothèque Nationale ; après 1970 les institutions culturelles de proximité : maisons de la culture, foyers culturels.)

La démocratie culturelle critique l’approche d’une politique culturelle qui transmettrait les sensibilités dominantes et donc l’ordre social existant. Elle entendait « assurer une reconnaissance des productions culturelles populaires ou minoritaires face à des standards culturels qui étaient considérés comme liés aux classes dominantes, contribuant ainsi à la reproduction des inégalités sociales. » (p. 13) Marcel Hicter, lors des assises culturelles de 1977, présentait ainsi les enjeux de la démocratie culturelle : « il n’y a pas de culture extérieure à l’Homme, pas de matière culturelle à quoi il faut faire accéder le peuple, qu’il faut porter au peuple, que l’on puisse lui contreplaquer. La culture n’est ni la connaissance ni l’érudition ; la culture est une attitude, une volonté de dépassement personnel total, de son corps, de son cœur, de son esprit, en vue de comprendre sa situation dans le monde et d’infléchir son destin ; c’est la prise de conscience du besoin de s’exprimer et la maîtrise du ou des moyens de cette expression, c’est être l’Homme du terrain et non l’Homme des gradins, l’Homme du jeu et non l’Homme du spectacle. » (p.14)

À travers la démocratie culturelle passait une volonté de transformation sociale (valorisation des cultures minoritaires) qui apparaîtra comme illusoire dans les années 80 qui a parfois conduit vers un repli sur une politique de diffusion. Néanmoins, les années 70 auront vu s’amplifier un maillage culturel considérable où se côtoient les maisons de jeunes (1971), maisons de la culture et foyers culturels (1970), centre d’expression et de créativité (1976), télévisions locales et communautaires (1976)… à côté des associations d’éducation permanente.

 

L’article montre comment le projet de démocratie culturelle a orienté les politiques culturelles de la Communauté française depuis sa fondation.

Il identifie deux noyaux normatifs de cette politique :

  • l’art comme émancipation
    • origine : la « critique artiste » (Boltanski et Chiapello) sur le sens et sur les codes (≠ la critique sociale)
    • mais cette critique est sans cesse récupérée dans le capitalisme (dans les entreprises -> consumérisme et par l’État -> subvention) : innovation, avant-garde…
    • le défi est de préserver cette dynamique de la culture (le sens, les systèmes symboliques…) face aux forces sociales et économiques qui tentent de l’instrumentaliser
  • la démocratie associative de type 2 (depuis les années 60)
    • beaucoup plus volatile que celle des piliers qui ont caractérisé la société politique belge depuis la fin du 19e siècle : mutuelles, syndicats, groupes professionnels, associations diverses (de « catéchèse », d’ « éducation populaire ») qui vont former un corps intermédiaire dans l’État libéral -> État social.
    • nouveaux domaines/luttes spécifiques : santé mentale, environnement, paix, tiers-monde, femmes, homosexuels…
    • « La subjectivité n’est plus, dans ce modèle, définie à partir de son rôle ou d’un statut assigné (genre, classe, tradition religieuse etc.), mais à partir d’une pluralité de codages qui la divisent et la multiplient. Elle ne peut s’extraire des médiations sémiotiques, techniques, communicationnelles, qui la connectent au monde, mais ne la figent pas dans des identités pré-données. Le sujet flexible et multiple de cette hypermodernité n’est donc pas isolé et atomisé ; il habite plusieurs mondes culturels et joue sans cesse au traducteur de sa propre vie.» (p. 10)
    • le défi est de maintenir (à la fois entretenir et faire tenir ensemble) cette interculturalité (à la fois associative et subjective)

Puis Jean De Munck présente trois défis nouveaux de la politique culturelle au 21e siècle :

  • la question de la qualité de l’espace public médiatique
    • « Les sociologues connaissent bien les procédures dites d’agenda setting : il s’agit dans ce cas non point d’imposer une interprétation du monde, une doctrine ou un système de croyances (les sociétés libérales sont ouvertes à la discussion, souvent très contradictoire), mais de hiérarchiser les objets d’attention du public, de sélectionner les thèmes-clefs de la discussion et reléguer du coup à l’extérieur du champ de pertinence des thèmes de discussion jugés non-médiatiques. Ces effets d’agenda sont plus puissants que la censure directe. De même, les effets de framing et de priming peuvent être constatés tous les jours : le framing consiste à délimiter un champ de pertinence, le priming à suggérer (sans imposer), par répétitions et surexpositions, une interprétation des images. Par ces procédés, l’espace public a cessé d’être un espace strictement littéraire ouvert à l’herméneutique ; il est devenu un environnement perceptif dans lequel le public se trouve totalement immergé, et où l’effort d’interprétation libre et distanciée présente un coût très important. » (p. 12)
    • il insiste sur la nécessité d’articuler le sensible et l’intelligible « Je ne pense pas qu’on puisse combattre ces nouveaux régimes idéologiques sans recourir aux outils de la critique culturelle. Ce qui est en jeu, c’est bien le médium, le code, la logique de l’énonciation, beaucoup plus qu’une censure externe exercée par des autorités invisibles. Par exemple, le rapport distancié à l’actualité est devenu très difficile en raison des logiques narratives de story-telling qui envahissent les news (le concept de « journal télévisé » est devenu inadéquat pour saisir le flux médiatique). Celles-ci semblent presque immunisées contre des logiques argumentatives qui raccorderaient les situations à des principes abstraits plutôt qu’à des schèmes d’évènements. » (p. 13)
    • et permettre des expressions dissonantes. « Il s’agit aussi de soutenir des espaces publics alternatifs où des codes, des genres et des formats culturels différents peuvent être libérés des contraintes du système médiatique dominant11. Il s’agit de soutenir des lieux d’élaboration du sens et des savoirs irréconciliables avec les modes dominants de communication. » (p. 13)
  • la question des intermédiations des experts-profanes
    • = les intermédiations associatives qui permettent une passerelle qui traduise et exprime les préoccupations citoyennes vers la « culture technique, juridique et experte » des politiques et administrations.
  • la question de la critique du consumérisme.
    • le défi est de trouver des alternatives à la culture du marché (productivisme, compétition, consumérisme, plaisirs standardisés). Ces alternatives passent souvent par des expériences de subjectivation de sujets singuliers, pluriels, divisés. Ceux-ci cherchent alors à « agir » parmi leurs propres paradoxes vers, par exemple, un développement durable, un travail collaboratif, des biens communs, une consommation citoyenne.
  • CASSIERS, Isabelle (sous la direction de). Redéfinir la prospérité. Éditions de l’aube, 2013.

Un livre qui rassemble différentes contributions qui redéfinissent la prospérité (économique, sociale, humaine…). Quelques auteurs et extraits :

MEDA, Dominique. Préface

    • L’ordre social identifie progrès/richesse/prospérité ET développement économique. Changer cette identification revient à changer l’ordre social
    • Par exemple : distinguer la prospérité comme opulence et la prospérité comme « capabilité d’épanouissement »
    • Cela implique de parler et délibérer de ce qui est sous « capabilité d’épanouissement » (changement de l’ordre social) : sens du travail, sens hors travail

CASSIERS, Isabelle, THIRY, Géraldine

    • Une bonne synthèse sur le caractère historiquement situé du PIB…
    • … et la possibilité de trouver des indicateurs alternatifs

LEYENS, Stéphane. Capabilités et définition transculturelle de la prospérité

    • Présente le versant normatif de la prospérité et ce que cela ouvre comme réflexion morale. L’important est la « base informationnelle » sur laquelle sont analysées les capabilités (ce qui fait prospérité) de façon à quitter l’analyse réductrice en termes de préférences subjectives. De façon à ouvrir des possibilités effectives (de prospérité).

DE MUNCK, Jean. Les critiques du consumérisme

    • La prospérité est souvent présentée taux de consommation des ménages. Or, le consumérisme = « une forme de vie collectivement produite et reproduite. Cette forme de vie est structurée par des normes, pas seulement des préférences. Si on pose le problème de cette façon, une critique du consumérisme devient possible. » (p.138) Le consumérisme se définit donc en ajoutant des dimensions symboliques à l’aspect bio-économique (on consomme pour (sur)vivre, grâce à l’achat et l’usage de bien et services achetés) : des modes de vie, des standards et des normes de la vie réussie, des modalités de communication des messages, des biens et des services. Il est historiquement daté et situé : dans l’Occident capitaliste, à partir des années 20, il a explosé dans l’après-guerre dans les politiques fordistes : « politiques de la demande » ; s’est poursuivi après les années 70 et le démantèlement progressif des politiques fordistes.
    • La critique du consumérisme peut être menée selon 3 lignes argumentatives :
    • L’idée de justice : la consommation de masse produit et reproduit des inégalités. Cette critique reste faible car elle porte sur la distribution des consommations et non le consumérisme lui-même.
    • Culturelle : la consommation implique une qualité de vie (ou non), à définir (vie bonne).

Le consumérisme s’inscrit dans une tendance inhérente à nos sociétés vers la singularisation et l’esthétisation des modes de vie, « satisfaction d’une tendance fondamentale de la culture moderne de liberté. » (p. 147) On gagne à effectuer une critique immanente, interne au consumérisme ; au lieu d’une critique externe au nom d’un culture qui sera vite indexée comme élitiste ou au nom d’une forme d’ascétisme.

Pour Jean De Munck, le consumérisme permet, à première vue du moins, une « liberté positive » : « une réalisation de la liberté : il achemine des moyens de satisfactions matériels et culturels, il propose des modes de vie, il assure des satisfactions. » (p. 150)

Jean De Munck analyse 4 grandes tensions normatives à l’intérieur du consumérisme :

  1. La standardisation contre la diversité et la singularité. « Une culture des singularités supposerait une culture des singularités reconnues. La singularité ne peut être confondue avec une combinatoire d’options standardisées, aussi nombreuses soient-elles. Elle suppose la construction expressive d’une individualité cohérente. La reconnaissance d’une singularité ne être confondue, de son côté, avec une offre marchande de « customisation » de services et produits. Elle passe par le médium de la communication éthique et non par le médium marchand, même si le marché peut être utilisé comme moyen ou instrument adjuvant. » (p.154)
  2. La privatisation du jugement de valeur : on a affaire à des choix, mais pas à une véritable délibération qui permet une critique dans l’effectuation de ses choix.
  3. Le primat du bien-être : disproportion entre le critère de bien-être et d’autres critères de réalisation de soi (relations désintéressées …)
  4. Une forme de normalisation :
    1. le consumérisme génère une surabondance de normes, de conseils et d’injonctions portant sur le bien-être des individus.
    2. la contrainte au travail

Contradiction interne : une liberté positive mais qui n’est qu’une forme rabougrie d’accomplissement. « L’inachèvement de la visée éthique et esthétique du consumérisme n’est pas provisoire ou conjoncturel mais structurel. Ce n’est pas par plus de consumérisme qu’on remplira la promesse de liberté qu’il porte, mais par un au-delà du consumérisme, c’est-à-dire par une réarticulation de la consommation avec la liberté positive dans une forme culturelle tout à fait nouvelle, en rupture avec le consumérisme. Cette nouveauté ne doit pas obéir je ne sais quel ascétisme moral. Elle ne vise pas à restreindre la liberté mais à demander plus de liberté positive, plus de liberté d’accomplissement. Elle demande à ne pas travestir et limiter la délibération par le choix calculateur, ne pas châtrer le plaisir par un hédonisme sans transcendance et ne pas confondre la liberté avec le contrôle adapté au marché. » (p.162)

  • Économique : la quantité de consommation a des conséquences écologiques.
  • Pour une critique complexe de la prospérité fondée sur les 3 registres.
    • Repli sur 1 + 3 = social-démocratie écolo
    • Repli sur 2 = les questions de l’égalité à la trappe.
    • SEN = 1 + 2, 3 mal théorisé. Ajouter les théories de la décroissance.

PÉRILLEUX, Thomas, CHARLES, Julien. La prospérité au travail

    • Dans le cadre d’une critique culturelle du capitalisme, un critique de la prospérité qui ne tient pas compte de la qualité de vie des travailleurs.

 

  • LATOUCHE, Serge. La décroissance ou le sens des limites. Manuel d’économie critique, septembre 2016
  • LATOUCHE, Serge. Pour une société de décroissance. In : Le Monde Diplomatique, novembre 2003.
  • DUPIN, Éric. La décroissance, une idée qui chemine sous la récession. In : Le Monde Diplomatique, août 2009