Souffrances locales et démocratie des allégements
Auteur : Olivier Croufer, coordinateur du plaidoyer sociopolitique au Centre Franco Basaglia
Résumé : Étude produite en 2012 avec comme perspective de formuler des questions politiques à propos de la « psychiatrie » en adoptant un langage qui favorise la mobilisation des citoyens dans un champ souvent abandonné aux « spécialistes ».
Temps de lecture : 15 minutes
Le Mouvement pour une psychiatrie démocratique dans le milieu de vie qui soutient cette étude s’est créé par des personnes ancrées dans le quotidien psychiatrique. Elles se sont associées car elles ressentaient des difficultés à opérer des changements organisationnels, politiques et culturels. D’emblée, il est apparu que les complications ne tenaient pas simplement dans les difficultés à nouer des alliances avec des forces socio-politiques. Il y avait aussi des embarras de langage, des hésitations sur les mots et sur le style pour parler des expériences et des attentes.
Cette étude s’inscrit dans le creuset de ces incertitudes avec comme perspective de formuler des questions politiques à propos de la « psychiatrie » en adoptant un langage qui favorise la mobilisation des citoyens dans un champ souvent abandonné aux « spécialistes ».
Toute la première partie de l’étude pose des problèmes, ouvre des questions, plus qu’elle ne tente de donner des réponses. Nous avons néanmoins voulu délimiter quelque peu l’espace où des solutions, ou du moins des pistes de réponse, pourraient prendre forme. Cette délimitation est le « local ». Il nous a semblé que les problèmes de démocratie tels qu’ils étaient amenés pouvaient trouver des issues locales en inventant ou actualisant des espaces de controverses et de délibérations qui permettent d’imaginer et de mettre en oeuvre des politiques selon d’autres voies que celles qui se déroulent sur des territoires plus élargis. La première partie de cette étude vise dès lors aussi à préciser en quoi le « local » ouvrirait des voies spécifiques pour vivifier une démocratie des allègements.
La deuxième partie tente des propositions. Nous les avons voulues assez générales pour laisser l’aventure ouverte, mais suffisamment opératoires pour ne pas laisser trop en suspend les questions ouvertes lors de la première partie2. Il s’agit d’abord de mieux délimiter le « local » (chapitre 2.1) en utilisant le concept de territoire. Celui-ci y est défini comme une carte qui permet d’intervenir dans les milieux de vie et de réguler des éléments essentiels d’une politique. Nous présenterons ce qui se joue pour les citoyens quand on module les contours des territoires et nous dessinerons trois niveaux différents de territoires. Nous esquisserons aussi un dispositif, les Conseils locaux pour la santé mentale (chapitre 2.2). Ils permettraient de donner forme à une démocratie délibérative qui ferait participer les élus, d’autres représentations citoyennes de la population et des usagers, ainsi que les services, du secteur privé et public.